Définition
C'est une lésion dégénérative du rachis lombaire ou lombo-sacré.
L'évolution suit un ordre chronologique habituel.
• elle peut être antérieure c'est la discarthrose ou arthrose des corps
vertébraux • elle peut être postérieure c'est l'arthrose articulaire
postérieure ou interapophysaire postérieure touchant l'arc postérieur
• elle peut même atteindre l'espace interépineux donnant l'arthrose inter
épineuse ou syndrome de Baastrup (1).
épidémiologie
L'arthrose du rachis lombaire est une pathologie très fréquente en raison
des sollicitations mécaniques quotidiennes que subit le rachis. La fréquence de
l'arthrose lombaire est fortement corrélée à l'âge et faiblement aux signes
cliniques. Kellgren et Lawrence ont rapport une prevalence de l'arthrose
lombaire de 30% chez les homes et de 28% chez les femmes de 55 à 64 ans et dans
une étude hollandaise la prévalence était de 20% et 22% chez les hommes et les
femmes de 45 à 64 ans. (2)
Rappel anatomique
Le rachis lombaire est constitué par la succession de cinq vertèbres
séparées par des disques inter vertébraux.
Les vertèbres :
Chaque vertèbre est formée d'un corps et d'un arc postérieur qui s'implante
sur le corps par deux pédicules. L'arc postérieur comprend les lames (qui
délimitent le canal avec les pédicules). Sur les apophyses s'insèrent les
ligaments nombreux et résistants qui stabilisent l'ensemble en collaboration
avec les muscles. Le canal médullaire contient la moelle épinière de laquelle
s'échappent les racines rachidiennes qui -de chaque coté et à chaque niveau-
cheminent dans les trous de conjugaison ou foramens.
Chaque vertèbre s'articule aux voisines sus et sous jacents par les
articulaires postérieures en arrière et par le disque en avant.
Le disque constituant un véritable amortisseur est composé de l'annulus
fibrosus qui présente une structure lamellaire complexe et élastique très
résistante et qui entoure le nucleus pulposus situé plus au centre du disque
(4).
Physiopathologie
Constituant la partie la plus mobile du rachis lombaire les dernières
vertèbres lombaires sont le siège prédictif d'arthrose. Selon un ordre
chronologique habituel le vieillissement du disque intervertébral peut
s'accompagner d'une altération de la production de protéoglycanes entraînant
une diminution de ses propriétés mécaniques (5). L'anneau fibreux peut se
fissurer et des fragments du nucléus peuvent s'insinuer dans les fissures en
réalisant une hernie discale.
D'autre pat les surfaces cartilagineuses au niveau des petites apophyses
articulaires sont étroites mais capitales pour la stabilité intervertébrale.
Ces surfaces peuvent s'user au même titre que toutes les articulations et des
ostéophytes peuvent se développer sur le pourtour des facettes. Ces ostéophytes
par leur volume ont tendance à diminuer le calibre des trous de conjugaison et
peuvent provoquer des radiculalgies (5).
Facteurs étiologiques
L'arthrose augmente avec l'âge. Parmi les facteurs favorisants on cite :
Le tabac dont le rôle est démontré.
La personnalité et les facteurs psychosociaux.
L'obésité dont l'association est discutée.
L'insuffisance musculaire qui est fortement impliquée chez la femme.
L'activité telle le soulèvement de charges lourdes et les sports
traumatiques.
Les troubles statiques interviennent aussi : hyperlordose lombaire cyphose
ou scoliose.
Facteurs génétiques.
Aspects cliniques
C'est une pathologie à constatation radiographique avec expressions
cliniques variables. La lombarthrose peut être soit asymptomatique soit
d'expression locale (lombalgie chronique lombalgie aigue ou lumbago) soit
d'expression compressive radiculaire (lombosciatalgie cruralgie) soit
responsable d'un tableau de syndrome de la queue de cheval qui s'explique par
un canal lombaire rétréci secondaire à une lombarthrose.
1-type
de description : la lombalgie chronique
C'est la manifestation la plus fréquente. Il s'agit d'une douleur située
dans la région lombaire basse en barre évoluant depuis plus de 3 mois qui a un
caractère mécanique lié à certains mouvements calmé au repos et à maximum
diurne.
A tout moment le tableau peut se majorer avec un lumbago ou une atteinte
radiculaire. La démarche diagnostique repose sur les arguments suivants :
L'anamnèse qui doit préciser l'âge la profession l'activités physiques et
sportives les antécédents rachidiens (lumbago lombosciatique chirurgie
rachidienne) le mode de début (brutal ou progressif) les circonstances de
survenue : soulèvement de poids effort le siège : lombaire bas haut ou diffus
l'irradiation : crête iliaque fesses l'intensité de la douleur l'horaire :
mécanique l'évolution : intermittente aggravation progressive (rapide) le mode
de soulagement : position traitement AINS l'évaluation fonctionnelle et
l'évaluation psychologique et socioprofessionnelle.
L'examen clinique doit rechercher un trouble de la statique rachidienne
étudier des mobilités du rachis lombaire : l'indice de Shober l'extension
totale la flexion latérale le Lasègue la douleur à la pression le Lasègue
bilatéral et le redressement (sit-up) rechercher des contractures musculaires
para-vertébrales et des points douloureux à la palpation rechercher des signes
neurologiques déficitaires qui sont absents dans ce contexte étudier les
mobilités coxo-fémorales examiner les sacro-iliaques et évaluer la force
musculaire du patient. On complète par un examen général complet avec des
touchers pelviens (3).
Le
bilan radiologique:
Il doit chercher les signes classiques d'arthrose discale et des
articulations inter apophysaires postérieures (ostéophytes condensation
sous-chondrale géodes pincement). Sachant qu'il n'y a aucune corrélation
radio-clinique.
Des radiographies du rachis lombaire (fig 1) sont recommandées en première
intention. En règle habituelle il n'est pas nécessaire de faire d'autres
examens de radiologie ni de les répéter en l'absence d'évolution clinique.
L'indication d'un scanner (fig 2) ou d'une IRM (fig 3) doit demeurer
exceptionnelle en fonction du contexte clinique. Ces examens doivent
nécessairement être précédés du bilan radiologique standard. Il n'y a pas lieu
de prescrire de myélographie ou de myéloscanner ou de discographie. (1)
Figure 1 : Rx standard: discopathie L5-S1 avec du gaz en intra discal. |
Figure
1 : TDM lombaire montrant un canal lombaire rétréci. |
Figure
3 : IRM: discopathies étagées avec hyposignal des trois derniers disques
et énorme hernie discale L5-S1. |
2- Formes cliniques
La lombalgie aigue (lumbago)
C'est une crise douloureuse intense lombaire basse de durée brève
inférieure à 7 jours; avec blocage rachidien et souvent position antalgique. Ce
tableau est souvent déclenché par un évènement précis : un effort de
soulèvement une position assise trop longtemps maintenue. A l'examen on
retrouve une douleur provoquée et il n'y a plus de mobilité du rachis les
contractures para vertébrales sont évidentes. Il n'y a pas de signes
neurologiques (8).La lombosciatique
C'est une pathologie neurologique périphérique touchant les racines
nerveuses avec atteinte soit de la racine L5 soit de la racine S1. Elle se
manifeste par une douleur lombaire basse et surtout une douleur radiculaire qui
dessine un trajet allant du rachis lombaire jusqu'au pied en passant par la
cuisse et la jambe. Cette douleur est descendante intense dominée par des
signes sensitifs subjectifs avec parfois au premier plan des paresthésies
prédominant dans la région distale (9).
La cruralgie
C'est une autre atteinte radiculaire concernant soit la racine L3 soit la
racine L4. Le signe est également une douleur en trajet à la face antérieure de
la cuisse s'arrêtant au genou. Cette douleur est plus intense que la sciatique
même lorsque la pathologie est commune avec souvent un maximum nocturne. Cette
cruralgie s'accompagne plus facilement de déficit moteur volontaire (6).
Syndrome de la queue de cheval
C'est un tableau neurologique qui peut compliquer un canal lombaire rétréci
sur arthrose lombaire. Le début est souvent progressif avec radiculalgie
sciatique unilatérale. La phase d'état apparaît après un délai variable
caractérisée par l'apparition de radiculalgies bilatérales parfois asymétriques
de paresthésies remplacent ou accompagnent les douleurs radiculaires un déficit
moteur inconstant et des troubles génito-sphinctériens précoces. L'examen
physique objective un déficit sensitif réalisant l'anesthésie en selle et des
réflexes abolis dépendant du territoire lésé. Il n' y a pas de signe de
Babinski (9).
Diagnostic différentiel
Surtout si la mobilité du rachis lombaire ne déclenche pas ou n'aggrave pas
les douleurs spontanées. Il peut s'agir alors:
- D'artériopathies ;
- D'une pathologie de la hanche ;
- D'une atteinte des articulations sacro-iliaques ;
- D'atteinte des tendons qui peut simuler une douleur sciatique ;
- D'atteinte articulaire (bursite ischiatique) ou de lésions du carrefour
iliolombaire : la pression réveille la douleur locale et irradiée.
Les douleurs dites projetées dans les membres inférieurs et d'origine
abdominale sont rares : affections rénales utérus et trompes ganglions... (6)
Evolution
L'évolution de la lombarthrose est très longue caractérisée par la survenue
de périodes de remissions entrecoupées d'exacerbations de la symptomatologie.
Ce qui pose un véritable problème de retentissement professionnel (la lombalgie
est la1ère cause d'arrêt de travail en France) (3).
Traitement
Le principal objectif du traitement est de permettre au patient de
contrôler et de gérer sa douleur d'améliorer sa fonction et de favoriser sa
réinsertion sociale et professionnelle le plus rapidement possible.
Moyens thérapeutiques
Traitements
médicamenteux
1. Par voie générale
Le paracétamol : il est recommandé d'optimiser jusqu'à 4 g par jour
administrés en 4 prises systématiques.
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont très utiles en cas de poussée
douloureuse mais en cures de courte durée.
Les antalgiques de niveau II peuvent être proposés généralement après échec
des antalgiques de niveau I.
Les antalgiques de niveau III (opioïdes forts) peuvent être envisagés au
cas par cas. La durée du traitement doit être limitée.
Les myorelaxants essentiellement le tétrazépam pendant une période qui ne
devrait pas dépasser 3 semaines.
Les antidépresseurs tricycliques. L'effet bénéfique est plus souvent
retardé (3 semaines à 1 mois).
Les corticostéroïdes par voie générale ne sont par recommandés dans le
traitement à visée antalgique.
2. Administration locale
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens par voie locale (gels pommades
etc.)
Les infiltrations épidurales de corticoïdes.
Les infiltrations intra-articulaires postérieures de corticoïdes ne
constituent pas un traitement de première intention.
Les injections intra discales de dérivés stéroïdiens (6).
Traitements
non médicamenteux
Les massages.
La stimulation électrique transcutanée.
La place de l'électro-acupuncture reste à définir.
La balnéothérapie l'exercice physique les manipulations vertébrales le
thermalisme l'acupuncture la contention lombaire les thérapies comportementales
et la rhizolyse lombaire (la thermocoagulation de la branche médiale du rameau
dorsal postérieur du nerf spinal) semblent avoir un effet antalgique à court et
moyen terme.
Les prises en charge multidisciplinaires associant des séances d'éducation
de conseils et une prise en charge psychologique sont recommandées (6).
Traitement chirurgical
Le traitement des lésions dégénératives du rachis lombaire peut faire appel
à des techniques chirurgicales visant à libérer les structures nerveuses quand
elles sont comprimées et à des techniques de stabilisation: les arthrodèses
lombaires les prothèses discales et les substitutions ligamentaires. (7)
Indications thérapeutiques
Lombalgies
aigues :
Le repos au lit strict est généralement contre-productif. Le but est une
antalgie efficace dès la première consultation au moyen de paracétamol
éventuellement en association avec de la codéine ou des anti-inflammatoires non
stéroïdiens (AINS). Des myorelaxants sont indiqués si une contracture
musculaire est objectivée. La durée du traitement est généralement de trois à
dix jours. En cas de non-réponse au traitement initial ou de douleur très
sévère des opioïdes peuvent être indiqués.
La physiothérapie n'est pas indiquée dans les deux premières semaines en
raison de l'évolution spontanément favorable dans environ 90% des cas. Au-delà
de cette période elle peut contribuer à prévenir ou corriger une attitude
vicieuse du rachis une raideur importante des troubles de la proprioception ou
un déconditionnement de la musculature abdominale et lombaire (8).
Lombalgies
chroniques
Le traitement de la lombalgie chronique commune doit s'inscrire dans une
logique d'incitation au maintien d'activités éliminant le repos du répertoire
des moyens thérapeutiques. Dans ce cas le traitement médicamenteux atténue la
douleur dans ses phases les plus fortes mais le traitement repose
essentiellement sur les moyens physiques et l'éducation du patient. Les AINS
sont utilisés en cas de poussée douloureuse. Les myorelaxants agissent sur la
composante musculaire de la lombalgie en cas de contracture musculaire constatée.
Ils sont alors toujours associés aux AINS. Les antidépresseurs peuvent être
utilisés dans la lombalgie chronique en cas d'un état dépressif constaté. Ils
sont alors associés aux AINS.
La décision de mettre en place un traitement avec la morphine en cas de
lombalgie chronique n'est jamais « banal » ni à banaliser (11).
Radiculalgies sciatique ou crurale
Dans la forme mineure le traitement est identique à celui d'une lombalgie
aiguë. Dans les cas plus graves ou à évolution prolongée un traitement basé sur
des infiltrations de corticoïdes manipulations vertébrales douces ou tractions
sur table massages antalgiques et décontracturants peut être indiqué.
Dans la forme hyperalgique on fait appel aux antalgiques majeurs voire les
corticoïdes. Une indication opératoire peut parfois être posée en cas de
persistance de l'algie malgré un traitement bien conduit.
Dans la forme paralysante vue précocement l'intervention chirurgicale peut
être décidée en cas de paralysie franche intéressant plusieurs racines. Les
formes récidivantes sont les arguments pour un traitement radical (9).
4. Canal lombaire rétréci
Le traitement curatif associe dans un premier temps le repos en cas de
poussées douloureuses et les infiltrations tant épidurales qu'intra-durales de
corticoïdes. Manquent toutefois des études en double aveugle et à moyen terme
pour juger de l'intérêt de ces pratiques. Des prises en charge plus physiques
(manipulations en flexion-extension et divers étirements) ont de même été
proposées mais non validées et ne paraissent pas sans danger notamment chez des
sujets âgés aux vertèbres ostéopéniques.
Le port de corsets peut améliorer certains patients pour autant qu'ils
n'aggravent pas la lordose. La prise en charge cinésiologique des patients au
moyen de diverses techniques de kinésithérapie en délordose paraît par contre à
la fois efficace à court terme (dans au moins 50% des cas) et sans risques.
Reste toutefois aussi à en valider l'efficacité à plus long terme.
Le traitement chirurgical soulève encore de nombreuses questions. L'absence
de consensus tenant autant à des considérations méthodologiques qu'à la
diversité anatomique des canaux lombaires rétrécis ou à celle des techniques
employées (laminectomie...) tant en ce qui concerne les modalités du geste que
les méthodes d'évaluation (12).
Suivi des patients
Le suivi doit être adapté à chaque patient. L'objectif est d'éviter la
médicalisation excessive tout en assurant un accompagnement thérapeutique qui
réconforte le patient. Le praticien et le patient conviendront de la modalité
de suivi qui semble la plus adaptée à la situation clinique et au vécu du
patient (6).
Conclusion
L'arthrose lombaire est une affection fréquente et de manifestations
variées. Son diagnostic est radiologique sans aucune corrélation radio-clinique.
Son traitement est essentiellement médical couplé aux moyens physiques. Le
traitement chirurgical est rarement indiqué.
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